Début septembre, Kodai-ji, un temple bouddhiste vieux de 400 ans à Kyoto, au Japon, a révélé son nouveau prêtre, un robot nommé Mindar. Fait d’aluminium et de silicone, Mindar a été conçu pour ressembler à Kannon, la divinité bouddhiste de la miséricorde. Dans un pays où la religion est en déclin, ce prêtre robot d’un million de dollars est une tentative futuriste pour raviver la foi des gens.
IA et religion
La religion a toujours été un sujet délicat, tandis que l’IA a suscité sa juste part de controverse récemment. Combiner les deux en incorporant la robotique dans la religion semble être une idée à fort potentiel pour certains, et un jeu très dangereux pour d’autres. Lorsqu’il a été annoncé pour la première fois au Japon, Mindar a été comparé au monstre de Frankenstein. Et pourtant, des gens comme Tensho Goto, l’administrateur du temple, sont optimistes à ce sujet. « Ce robot ne mourra jamais ; il continuera à se mettre à jour et à évoluer… (…) Avec l’IA, nous espérons qu’il grandira en sagesse pour aider les gens à surmonter même les problèmes les plus difficiles. C’est en train de changer le bouddhisme », a déclaré Goto.
Des progrès restent à faire
Pour l’instant, le prêtre robot Mindar n’est pas alimenté par l’IA ; il se contente de réciter simplement le même sermon sur le Soutra du Cœur encore et encore. Mais ses créateurs ont révélé qu’ils travaillent à lui donner des capacités de machine learning qui permettraient ainsi à Mindar de pouvoir donner des conseils aux fidèles sur leurs problèmes tant spirituels qu’éthiques. Aussi incroyable que cela puisse paraître, Mindar n’est en réalité pas le premier exemple de robots et d’objets animés s’impliquant dans la religion.
La robotique dans la religion n’est pas une nouveauté
Adrienne Mayor, une chercheuse en études classiques et en histoire et philosophie de la science et de la technologie à Stanford, a écrit Gods and Robots : Myths, Machines, and Ancient Dreams of Technology (Dieux et Robots : Mythes, machines et rêves anciens de technologie). Elle nous a parlé des nombreux liens entre la religion et les robots de la Grèce antique à nos jours, et de son opinion sur les robots prêtres comme Mindar. « Les automates religieux étaient destinés à évoquer l’admiration et à montrer le pouvoir dans l’antiquité. Nous devons être conscients que des motifs similaires pourraient sous-tendre l’utilisation de l’intelligence artificielle et des robots aujourd’hui « , dit Adrienne Mayor.
Un robot peut-il reconnaître les émotions ?
Lorsqu’elle parle de la possibilité que l’IA soit mise en œuvre dans la religion, Adrienne Mayor pose les questions que tout le monde devrait se poser : « Comment peut-on croire que le machine learning et les algorithmes seraient toujours bénéfiques pour les utilisateurs et non pour les fabricants et les utilisateurs de robots prêtres ? L’IA pourrait-elle faire la distinction entre les actes immoraux et les valeurs morales ? L’intelligence artificielle pourrait-elle discerner les motifs et les intentions et reconnaître les remords sincères, éprouver de l’empathie ou incarner véritablement les qualités humaines de miséricorde et de pardon ? » Les doutes et l’incertitude qui entourent cette technologie expliquent pourquoi les gens se sentent mal à l’aise face à cette perspective. Pour les bouddhistes, peu importe que la force qui fait tourner la roue soit consciente ou non.
L’IA a déjà été utilisée par la religion catholique
Un autre exemple de robots utilisés dans la religion est le Sanctified Theomorphic Operator (SanTo), une figurine en forme de saint catholique. Créé par le roboticien Gabriele Trovato, SanTo répond aux inquiétudes des gens avec des versets de la Bible, en particulier en apportant réconfort et assistance aux personnes âgées. Cela montre que certains potentiels positifs que l’intelligence artificielle pourrait apporter à la religion ne peuvent pas être complètement ignorés – les robots peuvent accomplir des rituels religieux quand les prêtres humains ne le peuvent pas, et en plus, ils sont en mesure d’atteindre plus de fidèles.
Doit-on craindre des dérives ?
Les effets négatifs semblent toutefois plus nombreux que les conséquences positives. Sommes-nous prêts à changer de religion, un sujet qui a créé tant de chaos, et qui le fait encore ? En donnant à ces robots des capacités de machine learning de l’IA, nous leur donnerions le pouvoir de nous dire comment nous sentir, comment nous ‘repentir’, et comment agir. Les réponses éthiques et spirituelles de ces robots religieux devront être soigneusement élaborées pour que les croyants puissent enfin leur faire confiance. Des robots prêtres sont en train d’arriver, mais avant d’en faire son éloge, nous devons regarder comment ils seront conçus, mis au point et accueillis.