Tout est permis en amour comme à la guerre. En période de conflit, les gens sont prêts à utiliser n’importe quel moyen à leur disposition comme arme contre leurs adversaires; et le son ne fait pas exception. Les techniques de guerre par ultrasons ont joué un rôle essentiel dans de nombreuses situations de combat. Récemment, le canon à son de l’armée israélienne a été utilisé pour chasser les manifestants palestiniens de la frontière Gaza, comme la police anti-émeute l’avait fait lors des manifestations de Ferguson. Cela dit, ce n’est guère un phénomène moderne ; il existe des exemples remontant au début des années 1970 sans parler de la musique de propagande nazie pendant la Seconde Guerre mondiale.
1.Le renversement de Manuel Noriega
Le général Manuel Noriega était une personnalité redoutable de la politique latino-américaine. En tant que dirigeant de facto du Panama la majeure partie des années 1980, il a acquis une réputation de dictateur impitoyable et répressif, comparable au célèbre Augusto Pinochet. Au départ, Noriega était un proche allié des États-Unis. Cependant, les relations se sont peu à peu détériorées et, en 1989, les États-Unis organisèrent une invasion du Panama. Noriega s’est alors réfugié à l’ambassade du Vatican de Panama City. Les troupes américaines ont rapidement fait encercler l’ambassade et, le jour de Noël 1989, elles débutèrent une action de guerre psychologique pour chasser Noriega du pouvoir.
L’armée américaine passa en boucle une playlist de groupes de rock et heavy metal dans les haut-parleurs de l’immeuble. Plusieurs titres choisis humiliaient le dictateur et son régime, comme « I Fought The Law » de The Clash et « Panama » de Van Halen. Après 3 jours de diffusion continue, la musique fut éteinte, et le 3 janvier 1990, Noriega se rendit. Les États-Unis ont répété ces tactiques à de maintes reprises. Au cours d’une opération en 2010 en Afghanistan, les Marines auraient diffusé Metallica et Thin Lizzy pendant des heures dans les villages de Marjah.
2.Le cri israélien
Concernant les équipements militaires dernier cri, Israël est l’un des leaders mondiaux incontestés, à tel point qu’en 2017, il était décrit par le New York Post comme ayant « la technologie militaire la plus avancée sur Terre ». Les Forces de défense israéliennes se sont positionnées à la pointe d’une multitude de développements au cours des dernières années. Ainsi, des véhicules sans équipage patrouillent aux frontières de Gaza et de la Syrie. Les satellites espions israéliens surveillent les ennemis du pays à des kilomètres au-dessus des nuages.
En 2000, avec le lancement du système Arrow, Israël a fièrement annoncé qu’il avait mis au point le premier système opérationnel d’interception des missiles balistiques, l’une des innovations des FDI étant une arme sonore non létale. Le canon à son a été utilisé pour la première fois en 2011, lorsque les manifestants commencèrent à lancer des pierres et à brûler des pneus en signe de protestation contre le régime. L’arme de haute technologie a tiré des impulsions sonores sur les émeutiers au poste-frontière situé entre Jérusalem et Ramallah. Les manifestants ont ressentis des nausées et des vertiges.
3. La Squawk Box en Irlande du Nord
La question de l’Irlande du Nord a toujours été litigieuse au Royaume-Uni et l’est encore aujourd’hui. Mais à mesure que la violence se propageait dans les années 1970, les relations ont frôlé le point de rupture. En janvier 1973, un an seulement après les tristement célèbres attaques du bloody sunday, 14 civils ont été abattus par l’armée britannique et des émeutes ont éclaté dans les rues de Derry. Tout au long de l’année, des rapports hebdomadaires faisaient état de personnes ayant perdu la vie dans le conflit. Pour tenter de maîtriser l’escalade de la résistance, l’armée britannique a mis au point une arme sonore pour une dispersion « non-violente » des émeutiers.
L’appareil émettait deux signaux ultrasonores de fréquences similaires mais non identiques. Pris isolément, ces signaux étaient relativement inoffensifs – les fréquences étaient assez basses pour être à peine audibles. Cependant, la combinaison des deux est insupportable. Un certain nombre de personnes ciblées par l’appareil ont fait état de vertiges et de nausées. Cette machine répulsive, appelée Squawk Box, aurait été mise au point par une équipe de chercheurs de la caserne de l’armée de Lisburn, à quelques kilomètres de Belfast. La portée et la puissance exactes de la Squawk Box sont inconnues, de même que le nombre de fois où elle a été utilisée.
4. Le syndrome de La Havane
Dès lors que Fidel Castro et sa bande de révolutionnaires ont chassé le général Fulgencio Batista de Cuba, les États-Unis ont utilisé tous les moyens à leur disposition pour tenter de renverser le gouvernement nationaliste. Alors que l’invasion de la baie des Cochons stagnait, l’embargo imposé par les États-Unis a sérieusement limité l’accès de l’île au commerce et au tourisme, ce qui a coûté 130 milliards de dollars à l’économie cubaine. Au cours des années 1960, la CIA a tenté d’assassiner Castro, mais ces dernières années, il semble que les membres du gouvernement américain à La Havane aient également été attaqués. Alors que les relations entre les Etats-Unis et Cuba deviennent de plus en plus tendues, courent des rumeurs d’incidents étranges d’attaque sonique : le syndrome de La Havane.
En 2017, le personnel de l’ambassade des États-Unis à La Havane a souffert d’un certain nombre de problèmes neurologiques après avoir entendu un sifflement aigu. 24 diplomates ont fait état de nausées, d’étourdissements et de maux de tête, dont bon nombre présentaient des symptômes à long terme comme un dysfonctionnement cognitif et des troubles du sommeil. Les États-Unis ont d’abord signalé que ces maladies avaient été provoquées par une attaque acoustique sophistiquée. Mais plusieurs scientifiques ont exprimé des doutes sur le fait que la maladie ait été causée par un stimulus externe.
5.Le Mosquito
Le Mosquito, appelé Beethoven en France, est un dispositif très controversé, conçu pour disperser les groupes d’adolescents dans les lieux publics. Le boîtier, vendu pour la première fois en Grande-Bretagne il y a plus d’une décennie, émet une tonalité aiguë irritante qui est censée n’être audible que par les personnes de moins de 25 ans. Il paraîtrait qu’il suffit de 10 minutes pour disperser les groupes de jeunes. D’après l’expérience vécue par des adolescents, ils confirment qu’il s’agit d’un horrible vacarme métallique… Naturellement, le Mosquito a de nombreux détracteurs.
Le groupe de défense britannique Liberty a affirmé que l’alarme viole les droits humains fondamentaux des jeunes. Divers militants ont demandé son interdiction. En effet, l’appareil cause une gêne généralisée à tous les jeunes qui passent à côté. Tous les moins de 25 ans sont victimes du Mosquito; y compris ceux qui ont une ouïe sensible, comme les bébés et les enfants autistes. Mais, seules quelques villes comme Édimbourg et Kent ont pris l’initiative d’interdire le Mosquito. Malgré de nombreuses objections, il semble que le buzz anti-adolescent va continuer.
6.Dissuader les pirates
Les armes acoustiques sont très prisées par les navires qui s’équipent contre l’invasion de pirates; et dans certaines occasions, leur efficacité a fait ses preuves. Lorsque le paquebot de croisière Seabourn Spirit fut attaqué par des pirates près des côtes somaliennes en novembre 2005, l’équipe de sécurité a réussi à repousser ses assaillants, armés d’un canon à ultrasons et d’un tuyau d’eau à haute pression. Sous le feu des grenades et des lance-roquettes, l’agent de sécurité Michael Groves a déployé un dispositif acoustique à longue portée (LRAD) pour protéger les quelque 300 passagers du bateau. Groves et son collègue Som Bahadur Gurung, blessé lors de l’escarmouche, ont par la suite reçu les honneurs de la Reine pour leur bravoure.
Bien que le LRAD ait fait ses preuves sur le Seabourn Spirit, quelques années plus tard, un pétrolier américain n’eut pas la même chance. En 2008, des pirates lancèrent une attaque brutale contre le navire Biscaglia, toujours dans les eaux proches de la Somalie. Mais lorsque la sécurité a déclenché leur blaster sonore, l’équipage envahisseur n’a pas reculé. L’équipe de sécurité a ensuite déclaré aux journalistes du journal britannique The Mirror : « Nous pensions que cela ferait reculer les pirates, mais ils ont juste ri » . Alors que les pirates brandissaient des fusils d’assaut automatiques, la sécurité de Biscaglia essayait de les repousser avec des échafaudages et des fusils de détresse.
7. Musique de propagande nazie
L’Allemagne possède une belle lignée de compositeurs classiques renommés tels que Beethoven, Bach et Wagner. En fait, la musique est si riche et si profondément ancrée dans le pays que certains penseurs ont décrit la musique comme « l’art le plus allemand ». C’est pour cette raison que la musique est devenue une arme majeure de l’arsenal du IIIe Reich. Dans les années 1930, diverses classes sociales allemandes considéraient comme dérangeante la popularité croissante des styles modernes comme le swing et le jazz. Ces styles musicaux, souvent interprétés par des musiciens juifs et afro-américains, étaient perçus comme un signe de la décadence de la culture qu’ils souhaitaient préserver.
Avec une hostilité évidente pour les tendances modernes, la musique était utilisée par le Parti nazi comme un moyen d’alimenter le sentiment nationaliste et de transmettre aux gens des valeurs qu’ils considéraient comme traditionnelles allemandes. Ainsi, les chansons concernant Hitler et le Troisième Reich étaient régulièrement interprétées lors de rassemblements pendant la Seconde Guerre mondiale; le morceau de propagande antisoviétique « Horst-Wessel-Lied » était un choix particulièrement populaire. Les Jeunesses hitlériennes ont mis sur pied leur propre programme musical. De même, le régime nazi a réussi à gagner des soutiens à leur politique d’extrême droite.
8. Préservation de la faune
Les humains ne sont pas les seules espèces à être ciblées et manipulées par des armes sonores. Partout dans le monde, des signaux sonores émettent des sons assourdissants afin de repousser les animaux et de limiter les dommages causés par la faune sauvage. Ainsi, les parcs éoliens, les plates-formes pétrolières et les vignobles font partie des entreprises qui utilisent des systèmes acoustiques pour protéger leurs ressources contre les attaques. Par exemple, au cours de la dernière décennie, les dispositifs LRAD ont joué un rôle essentiel dans la réduction du nombre d’impacts d’oiseaux à l’aéroport Guglielmo Marconi à Bologne, Italie.
9. Police anti-émeute américaine
Ces dernières années, les canons à son furent d’une aide précieuse pour la police aux États-Unis afin d’intimider et disperser les manifestants. En 2014, la fusillade de Michael Brown a provoqué une énorme colère dans tout le pays. Des manifestants de Ferguson, dans le Missouri, sont descendus dans la rue; furieux après la mort d’un autre jeune homme noir par les forces de l’ordre. Pour les éloigner, la police a fait usage d’un LRAD similaire à celui utilisé contre les pirates somaliens. Au début, l’appareil émet des instructions vocales pour que les gens évacuent la zone, suivies d’un son strident connu pour provoquer des maux de tête.
Le dispositif sonore, un LRAD 500X-RA, a une portée de plus de 2 000 mètres; et peut atteindre un volume maximum de 149 décibels. Pour rappel, 120 décibels est le seuil d’inconfort au-dessus duquel un son devient douloureux; et au-delà de 130 décibels, vous risquez une perte d’audition. Ce n’est pas la première fois qu’une force de police américaine utilise un canon à sons pour chasser des manifestants. La police de New York utilisa également des tactiques similaires pendant le mouvement d’occupation de Wall Street en 2011. Et en 2016, des LRAD ont été utilisés contre les manifestations du Dakota Access Pipeline.
10. Torture de la CIA
En 2014, la commission sénatorial sur le renseignement a publié un rapport détaillé révélant un certain nombre de faits inquiétants concernant les techniques de torture de la CIA. Parmi les révélations controversées, l’utilisation de » techniques de désorientation sonore » sur le site COBALT, similaires à celles rapportées à Guantanamo en 2008. Le rapport décrit également comment des prisonniers ont été détenus menottés dans une cellule non éclairée et maintenus éveillés par la diffusion de musique en boucle.
Cette violence psychologique désoriente et terrorise les détenus; dans le but de les » forcer » à se soumettre et de les conditionner à une nouvelle séance de torture, à l’aide de quelques chansons. Avant l’interrogatoire du terroriste présumé Ramzi bin al-Shibh, le personnel se moquait de lui avec le titre « Rawhide » des Blues Brothers. La CIA privilégie les styles traditionnels américains comme le métal et la country. En effet, ces styles musicaux sont délibérément choisis pour leurs sonorités exotiques et inhabituelles ayant un effet désorientant sur les prisonniers du Moyen-Orient, accentuant ainsi le supplice.