in

Perspective de Paris #4 : L’avenir du populisme et de la droite dure française

Lancé par Jean-Marie Le Pen en 1972, le Front national est devenu synonyme d’antisémitisme, d’anti-immigration et de protectionnisme en cinq décennies, puisant sa base de soutien auprès des électeurs français privés de leurs droits avec le cri de ralliement “Le peuple d’abord”. Cela vous dit quelque chose ? Dans ce numéro de Perspective Paris, nous nous penchons sur l’état du Rassemblement national, la nouvelle version du Front national dirigé par Marine Le Pen, chef du parti et double candidate à la présidence, fille du père fondateur du parti.

Depuis qu’il a pris la direction de l Front National de son père en 2011, Marine Le Pen se bat pour repositionner l’entité politique d’extrême droite qu’elle a héritée des franges politiques de la France vers la politique générale, tout en conservant les valeurs fondamentales du parti – le patriotisme : Valeurs familiales : Anti-immigration : Protectionnisme économique.

Ces notions sont séduisantes pour certains, qui ont le sentiment que leur mode de vie “traditionnel” en France est attaqué par des influences extérieures. Mais l’extrême-droite française est une affaire composite, avec de multiples acteurs, embrassant différentes sentimentalités qui vont et viennent avec des sentiments populistes au sein de l’électorat. À un an seulement de l’élection d’un nouveau président et d’un nouveau parlement, la Rassemblement national est la principale force d’opposition que le président centriste Emmanuel Macron La République en Marche doit s’affronter en avril 2022.

La crainte d’un séparatisme islamiste national, suite à la décapitation du professeur de lycée Samuel Paty en octobre, a ravivé en France d’âpres discussions sur l’immigration et la menace de l’islamisme.

Paty a été tué par un immigrant tchétchène de 18 ans en banlieue parisienne après avoir montré des dessins satiriques du prophète Mahomet dans le cadre d’un cours d’éducation civique sur la liberté d’expression.

Cela a eu pour effet de placer la forme stricte de laïcité du pays sous la surveillance internationale, et a aggravé le malaise et l’impuissance ressentis dans toute la France depuis que la pandémie de Covid-19 a déclenché le premier verrouillage en mars 2020.

Rassemblement d'extrême droite à l'Opéra, Paris

Rassemblement d’extrême droite à l’Opéra, Paris © wikipedia

Bruno Gollnisch est un universitaire, ancien député européen et ancien membre de la Commission européenne. Front National qui était candidat à la direction du parti il y a dix ans. Universitaire accompli en études asiatiques et président de longue date du groupe parlementaire européen “Identité, Tradition, Souveraineté”, Gollnisch a fait partie intégrante du cercle restreint de l’extrême droite française.

Après l’assassinat de Paty, le gouvernement de Macron a mis en place un “Loi sur le séparatisme” ou projet de loi anti-séparatisme qui, bien que complet dans sa tentative de traiter de la menace du séparatisme islamiste en France, certains diraient que la loi proposée est draconienne. D’autres disent qu’elle ne va pas assez loin.

Gollnisch n’est pas surpris par les commentaires selon lesquels la législation de Macron sur le contrôle de l’islamisme local n’a pas volé le tonnerre de l’extrême droite.

“Il n’y a pas de brevet sur les idées politiques. Je pense que la situation en France est tellement grave maintenant qu’il est impossible pour quiconque de ne pas faire face à ce problème. Il y a deux ans, Marine Le Pen a répété les dangers d’une immigration massive, d’une politique d’immigration incontrôlée, surtout avec des personnes venant de cultures différentes”, dit Gollnisch.

Pour le vétéran de l’extrême droite, le choc des cultures a toujours été inévitable lorsqu’il s’agit de migration, les personnes arrivant en France étant “d’une autre origine ethnique”. Nous mettrons un jour ou l’autre en danger notre identité nationale, vos valeurs.

” Nous [have been branded] comme racistes, xénophobes et ce genre de choses. Mais personne ne peut raisonnablement dire qu’il n’y a pas un tel problème en France”. Pour lui, la décapitation du professeur Patty n’est que “la partie émergée de l’iceberg”.

Jean-Marie Le Pen et Marine Le Pen lors d'un rallye à Paris en 2017

Jean-Marie Le Pen et Marine Le Pen lors d’un rallye à Paris en 2017 © wikipedia

C’est l’économie stupide… ou l’économie stupide ?

Cependant, outre les craintes d’islamisme et d’insécurité, l’extrême droite française a toujours visé un électorat qui a fait les frais du déclin industriel et d’une économie mondialisée. La stratégie économique de Marine Le Pen a souvent été qualifiée de “simpliste”, le Rassemblement national n’offrant rien d’autre que de l'”anti-Macron”.

Pour Bruno Gollnisch, c’est précisément cette opposition directe à la politique de Macron qui est au cœur de la RassemblementLe succès électoral de l’Union européenne en 2022

“Notre politique économique qui serait exactement le contraire de ce qui a été fait jusqu’à présent. Je dirais jusqu’à la pandémie. À cause de la pandémie, les choses vont changer. Macron lui-même était absolument en faveur d’un libre-échange absolu, sans barrières… Nous avons perdu notre industrie, notre meilleur [players]Pendant des mois, notre industrie a été dans l’impossibilité de fabriquer un vaccin”, affirme M. Gollnisch.

Pour lui, l’Union européenne est responsable de l’ouverture de l’économie et du marché français à la concurrence étrangère qui n’a pas les mêmes réglementations ni les mêmes charges fiscales.

“Le résultat est que nous avons perdu la moitié de notre industrie au cours des 20 dernières années. Nous voulons faire exactement le contraire”. Pour que la France prospère, dit M. Gollnisch, les Français devraient bénéficier d’une économie moins contenue chez eux, avec des “frontières raisonnables” et des taxes sur les produits qui ont été fabriqués par des personnes qui gagnent 50 fois moins que le travailleur français moyen.

Mais à l’approche des élections de 2022, certains experts politiques en France se demandent s’il est acquis que Marine Le Pen mènera le Rassemblement national sur les rails.

La nièce de Jean-Marie Le Pen, Marion Maréchal Le Pen, attend dans les coulisses avec une marque plus populiste et conservatrice de l’extrême droite française visant à embrasser le centre-droit traditionnel Républicains et de faire entrer dans le jeu l’expert en médias sociaux “influencer le vote des jeunes”.

Au vu de ce qui s’est passé aux États-Unis en 2016, c’est peut-être là que l’on voit arriver du froid des gens comme Steve Bannon, ancien directeur de campagne de Trump et gourou des médias, pour secouer les choses. Peut-on s’attendre à ce que d’autres “agents provocateurs” populistes planent sur la piste de la campagne en 2022 ?

Pour M. Gollnisch, il serait très heureux de voir un soutien d’extrême droite venir de l’extérieur du pays, puisqu’il a été le directeur de campagne de Jean-Marie Le Pen lorsque le leader du Front national l’a amené au second tour de l’élection présidentielle de 2002 pour affronter Jacques Chirac.

“Je n’aurais rien contre le fait que M. Bannon vienne nous rendre visite. Pas du tout. Mais ce que j’attends, c’est que davantage de personnalités viennent de différents pays parce que c’est incroyable. [We have support] non seulement des personnes d’Europe, d’Amérique du Nord ou du Sud, mais aussi d’Asie et d’Afrique, qui partagent entièrement nos vues”.

L’extrême droite française avec les Brexiteers ?

Brexit est maintenant une réalité

Brexit est désormais une réalité AFP/Fichier

Il cite l’exemple du président du parlement de la RDC, Vital Kamhere, qui est aujourd’hui chef de cabinet du président congolais sortant Félix Tshisikedi, qui aurait ouvert le congrès de son parti en lisant un message de Jean-Marie Le Pen.

Pour Gollnisch, l’extrême-droite française est un exemple pour les personnes partageant les mêmes idées à l’étranger, “parce que nous voulons conserver notre indépendance, notre liberté, notre identité, et nous comprenons parfaitement pourquoi d’autres personnes veulent le faire aussi”.

Et cela touche au cœur du problème du populisme. Les dirigeants africains, comme le Tanzanien John Magufuli, chantent en haut de la feuille d’hymnes populistes, car cela peut être un outil très efficace pour rallier une population agitée à leur cause.

On pourrait en dire autant de l’Égypte du général Abdel Fattah al-Sisi, qui a reconnu qu’en mettant de côté les influenceurs des médias sociaux, il adoucirait la perception des jeunes à l’égard de son régime autoritaire. C’est tout à fait la stratégie populiste pour les années 2020.

Rassemblement du Front National au monument Jeanne d'Arc à Paris

Rassemblement du Front national au monument Jeanne d’Arc à Paris © wikipedia

La France et le trou du lapin des médias sociaux

Alors que les États-Unis sortent des quatre années de “feu et de fureur” dont on se souviendra pour l’administration Trump, le monde est plus cynique et les graines de la peur, de la suspicion et de l’incrédulité dans la politique générale et les médias ont pris racine.

On pourrait dire que certains médias français suivent la même trajectoire descendante que les médias conservateurs américains qui ont propulsé Trump à la présidence, propulsés par la propagande de droite et Fox News. La participation en studio d'”analystes” et d'”experts” utilisant des tactiques de choc est en constante augmentation en France. Le cycle des médias en France, 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7, est-il donc en train de chasser le “lapin des cotes d’écoute” dans le trou du lapin de l’écho-chambre ?

Le problème pour Gollnisch est que les médias et les institutions en France sont déjà réticents à donner une voix à l’extrême droite. “Il serait très difficile pour vous, pour quiconque, pour n’importe quel commentateur, de me donner deux ou trois noms de professeurs conservateurs à l’Institut d’études politiques de Paris, car il est entièrement dirigé par des universitaires de gauche ou libéraux.

C’est à cause de cette perception que les médias sont dirigés par une élite libérale qui a conduit à l’établissement de sources d’information alternatives en Amérique, comme Breitbart et pourquoi Fox News s’est jetée dessus. Mais cela a évolué au cours des dix dernières années aux États-Unis – et aujourd’hui, si vous voulez entendre des nouvelles conservatrices, vous pouvez obtenir des nouvelles conservatrices. Le concept d’information impartiale est-il mort en 2021 ?

“Je pense que nous avons un peu plus de pluralisme [in France]. Lorsque j’ai commencé ma carrière politique, j’étais un homme politique parfaitement respecté, j’ai été élu lors d’un vote tout à fait normal. J’ai toujours été pacifique. Mais je n’ai été invité à aucune radio publique, ni à aucune chaîne de télévision. J’ai été banni”.

Le Pen l’était aussi, selon Gollnisch, qui, à une époque, n’a été invité qu’une seule fois à apparaître sur la télévision française publique pendant toute une année. C’est en effet ce thème récurrent de la “victime combattant l’élite” qui résonne à travers la planète pour les personnes qui se sentent mises à l’écart par la golobalisation, le multilatéralisme et le statu quo politique, et sérénisées par des promesses de prendre leur destin en main, tout en vivant dans un monde connecté où la cause et l’effet ont un impact sur les décisions de chacun. La France en 2022 ne fera pas exception.

Regardez la vidéo ici

Cette édition a été produite et présentée par David Coffey

Ingénieur du son – Nicolas Doreau

Mixage et montage – Vincent Pora

Bruno Gollnisch est un universitaire, un homme politique et un ancien député européen

www.rfi.fr