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La France se montre disposée à fixer enfin l’âge du consentement, à 15 ans

Publié le : 12/02/2021 – 15:56

Le gouvernement français se dit favorable à la fixation de l’âge du consentement sexuel à 15 ans et à la facilitation de la répression des abus sexuels sur les enfants, après une pression publique croissante et une série de cas très médiatisés d’inceste, de viol et d’abus sexuels.

L’absence d’âge de consentement en France, ainsi que les délais pour porter plainte, ont rendu plus difficile la poursuite des auteurs présumés de violences sexuelles et d’inceste. Parmi les cas récents, on peut citer un agent de mannequinat de premier plan, un prêtre prédateur, un chirurgien et un groupe de pompiers.

Décrivant ce traitement des enfants comme “intolérable”, le ministère de la justice a déclaré que “le gouvernement est déterminé à agir rapidement pour mettre en œuvre les changements que notre société attend”.

“Un acte de pénétration sexuelle par un adulte sur un mineur de moins de 15 ans sera considéré comme un viol”, a déclaré mardi le ministre de la Justice, Eric Dupond-Moretti, sur la chaîne de télévision France-2. Les auteurs ne peuvent plus invoquer le consentement pour diminuer les charges, a-t-il dit.

Des exceptions seraient toutefois prévues pour les adolescents ayant des rapports sexuels consensuels, avec l’introduction d’une différence d’âge minimale de cinq ans.

La déclaration d’intention du gouvernement est considérée comme un grand pas en avant.

“C’est très bien qu’il y ait ce débat relancé, qu’il y ait une idée d’âge minimum [of consent]a déclaré Fatima Benomar, dont le groupe Les Effrontées a fait pression pour des lois plus strictes contre les agresseurs sexuels. “Cela rendra les adultes plus responsables”.

Le vendredi, Le Parisien a publié quotidiennement une pétition signée par 160 personnalités françaises demandant que l’âge du consentement sexuel soit fixé à 15 ans (et non à 13 comme cela a été voté récemment au Sénat) et à 18 ans en cas d’inceste.

#MeTooInceste

Une tentative de fixer le premier âge du consentement en France il y a trois ans, dans le sillage du mouvement mondial #MeToo, a échoué suite à des objections juridiques selon lesquelles cela compromettrait la présomption d’innocence.

Mais elle a récemment pris un nouvel élan depuis que des accusations d’abus sexuels incestueux impliquant un éminent expert politique français, Olivier Duhamel, ont été formulées le mois dernier. Cela a conduit à un mouvement en ligne #MeTooInceste en France qui a recueilli des dizaines de milliers de témoignages similaires.

Le ministère de la justice est en discussion avec des groupes de victimes pour durcir les sanctions en cas d’abus incestueux et pour étendre ou abolir la prescription en matière de violence sexuelle contre les enfants, car elle crée un traumatisme si profond qu’il peut falloir des décennies pour que les victimes s’expriment. La loi permet actuellement aux enfants victimes de porter plainte jusqu’à l’âge de 48 ans.

Le ministère affirme également vouloir “s’assurer que les victimes d’un même agresseur ne reçoivent pas un traitement juridique différent”, ce qui pourrait élargir le champ des poursuites contre les personnes accusées d’avoir abusé de plusieurs personnes pendant des décennies.

Les délais légaux ont entravé la capacité des autorités françaises à enquêter sur un cardinal influent, Philippe Barbarin, qui a été condamné puis acquitté pour avoir couvert un prêtre prédateur ; l’agent de mannequin Jean-Luc Brunel, un associé du financier américain disparu Jeffrey Epstein, accusé d’une série de crimes sexuels ; et le chirurgien Joel le Scouarnec, condamné après avoir été accusé d’avoir abusé sexuellement de plus de 300 enfants pendant des décennies.

Justice pour Julie

Mercredi, la plus haute juridiction française a examiné une affaire impliquant une femme, Julie, qui a déclaré que 22 pompiers l’avaient violée alors qu’elle avait entre 13 et 15 ans. Un tribunal inférieur a déclassé les accusations en agression sexuelle, mais ses avocats veulent qu’elles soient reclassées en viol.

En vertu de la législation française actuelle, les relations sexuelles entre un adulte et un mineur de moins de 15 ans sont criminalisées. Mais la loi prévoit la possibilité qu’une personne de moins de 15 ans soit capable de consentir à des relations sexuelles, ce qui conduit à des cas où un adulte est poursuivi pour agression sexuelle (qui entraîne une peine pouvant aller jusqu’à sept ans) plutôt que pour viol (jusqu’à 20 ans).

Dans l’affaire Duhamel, le procureur de Paris a ouvert une enquête sur des allégations de “viols et d’abus sexuels commis par une personne exerçant une autorité” sur un enfant, suite aux accusations portées dans un livre par sa belle-fille selon lesquelles il aurait abusé de son frère jumeau dans les années 1980, alors que les frères et sœurs étaient au début de leur adolescence.

Duhamel a démissionné de ses nombreuses fonctions professionnelles en disant qu’il était “la cible d’attaques personnelles”.

La fondation gère la prestigieuse université de Sciences Po à Paris, dont le directeur, Frédéric Mion, a démissionné cette semaine en raison des retombées de l’affaire.

(avec AP)

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